The Lost Language of Ponge (inachevé)
Goliathus
Synopsis
Au moment où mon récit commence, surgissent dans la ville, une smart city experte dans le traitement des déchets et des déchéances, des manifestations de « rage de l’expression », le plus souvent inintelligibles et létales, touchant singulièrement les laissés-pour-compte.
Ces perturbations suscitent le plus vif intérêt de mon héroïne, qui choisit d’en faire le sujet de sa thèse... en entomologie !
Elle découvre qu’un minuscule insecte, d’une espèce inconnue, vivant dans l’appareil phonatoire humain, est responsable chez l’hôte infecté de cette « rage » spectaculaire.
Mon récit plonge dans le fantastique lorsque l’âme de Ponge, après être passée par des vies successives trouve une possibilité de poursuivre son compte-rendu de la beauté des choses par le truchement d’un insecte et d’une relation parasitaire.
Genèse
Ce roman constituait mon "projet de création" dans le cadre de ma candidature au Master 1 de Création Littéraire de Paris 8.
Ma demande d'admission à la formation a été refusée le 20 juin 2018 pour le motif suivant "qualité du projet de recherche insuffisante".
J'ai néanmoins conservé l'envie d'écrire ce roman, aujourd'hui encore inachevé.
Extrait
Une cigarette
Elle était là, arcboutée à la sortie du crépuscule, la main gauche levée au niveau du menton, l’index et le majeur enserrant un invisible cylindre de papier, long de quelques centimètres, rempli d'un matériau combustible, le plus souvent des feuilles de tabac hachées imprégnées de poisons terribles.
Des années après son sevrage, sa main gauche perpétuait un rituel, désormais inoffensif ; il y avait une sorte de poésie du mouvement dans la simplicité du geste et dans l’intention mystérieuse qui le déclenchait : une communication non verbale du soi dissimulé au soi ostensible, un langage intime indéchiffré plutôt qu’indéchiffrable.
Albina imaginait qu’une unité culturelle provoquait cet effet de répétition, afin de servir un intérêt qu’elle ignorait encore ; ainsi le geste de fumer était reproduit bien après que l’addiction au tabac eut été restreinte ou carrément éteinte ; l’ex fumeuse n’avait besoin d’aucune motivation excessive pour se soustraire à l’envie d’en griller une ; le souvenir de sa dépendance au tabac la rendait parfois nauséeuse.
Et pourtant, chaque fois qu’elle émergeait d’une situation stressante, elle allait trouver un peu de répit à l’extérieur, gonflait ses poumons à l’air frais afin que tout son être respire, lentement son épaule gauche se posait contre le crépi d’un mur, sa main droite venait naturellement soutenir le coude gauche et avec une grâce infinie, une mécanique égoïste de tendons, de muscles et d’os s’enclenchait : l’avant-bras moteur de l’assuétude se relevait, l’articulation du poignet déplait, déployait une délicatesse préhensible, deux doigts aux ongles courts s’étiraient, tandis que le pouce cherchait l’extrémité de l’auriculaire, l’index et le majeur saisissaient une absente et la portaient aux lèvres d’Albina.
Par intermittence, son index tapotait le vide pour faire chuter une imperceptible cendre.
Depuis son guet sur le trottoir d’en face, une observatrice s’amusait de la scène : une drôle de pièce pour deux personnages jouée par une seule femme, évadée dans ses pensées.
(...)
Il y avait Albina avec sa clope invisible ; il y avait Ann qui l’imaginait bien cette clope, qui en avait aussi envie.
Elles se mirent à composer une pièce en alternance.
Albina commença : « Elle naît en pincées de broussaille, qu’une irrépressible manie roule et tasse. Sa forme s’allonge sous le pouce et le doigt. La voici tube de papier translucide qu’une langue encolle sur toute sa longueur… »
Ann poursuivit : « Parfois, une section orangée, mouchetée de tâches jaunes, la termine, clarifiant peu ou prou sa pollution. On décapite cet embout par amour du danger. »