Hôtes en la Demeure (Roman)
Goliathus
Synopsis
Imaginez qu’au moment où dans votre vie tout bascule, un mystérieux administrateur vous invite à résider en sa Demeure, pour une durée qui siéra à votre convenance. Toutes les dispositions ont été prises pour vous y acheminer sans délai et assurer là-bas votre parfait confort. Que feriez-vous ?
L’auteur introduit ici une nouvelle trilogie de personnages, que tout semble opposer, âge, statut, nationalité, apparence, voire époques, et qu’un indicible lien pourtant rassemble en un même lieu, réel ou métaphysique.
Mansour, Prince d’un pays de sables, jeune homme à l’esprit simple et rêveur, Liù, vieille Anglaise rendant chaque année visite à une amie chère, la fameuse Lady Alston de Gainsborough au musée du Louvre, pour échapper à ses démons, et Jorge, poète argentin ayant perdu ses vers et, avec eux, son territoire intime, se retrouvent un jour Hôtes en la Demeure !
Avec une écriture aux accents souvent poétiques, l’auteur accompagne le lecteur à la découverte de lieux fabuleux : chambre, bibliothèque, salle à manger, jardin…, au cœur d’une impensable Demeure, dans laquelle il projette ses fantasmes, et où ses personnages, singuliers et attachants, accompliront peut-être leur destin inachevé. Conte moderne, fable philosophique, ou fiction borgésienne ?
Acceptez l’invitation et devenez Hôtes du récit pour en juger !
Genèse
L’idée de ce roman, mon second écrit en 2011, dans la foulée du premier (Les Méduses), est née sur un paquebot au beau milieu de la Méditerranée.
Sur l’un des ponts, à l’ombre des canaux de sauvetage et face à la mer, j’ai écrit presque en une journée ce qui deviendrait le chapitre 9.
Le personnage de Jorge Guillermo a été le premier a existé, avant que Mansour et Liù ne viennent compléter le trio.
J’avais envie de cartographier une somptueuse Demeure, un de ces lieux qui contiennent tous les autres lieux…
Extrait
La fange des ruelles
Jorge avait des états d’âmes qu’il prenait par la main pour éviter que ce ne soient eux qui le promènent. Il marchait dans un faubourg pauvre éclairé d’une lumière électrique hésitante. Il était en quête de poèmes. La pente était raide, rendue glissante par une pluie récente. Jorge pensait que la poésie était affaire des humbles, aussi arpentait-il souvent ce faubourg misérable.
Les bas quartiers étaient situés sur les hauteurs de la ville, selon une topographie de la pauvreté propre au continent. La topographie, c’est l’art de la mesure et de la représentation. Le continent, c’était l’Argentine.
Tandis qu’il mesurait le faubourg de son pas précis et de son œil à l’acuité peu commune, Jorge laissait libres ses pensées, aimant leur indiscipline. Il était fréquent qu’il s’arrête, en proie à une émotion aussi vive que soudaine, à la vue d’une curiosité dans le paysage objectif. Ce pouvait être un linge, animé par un souffle de vent ou, par déduction, le garçon absent dont on avait étendu le vêtement, et la femme — sa mère probablement — qui l’avait lavé cent fois. Jorge parvenait à manipuler sa perception pour entrevoir le linge sous toutes ses coutures : du point de vue du tissu, de son usage, comme du point de vue des humains qui gravitaient autour, s’en couvrant le matin ou l’ôtant prestement le soir avant de tomber de sommeil. Il y collait une émotion née de la contemplation du paysage ou l’ayant précédée et écrivait un vers.
Jorge procédait ainsi. Une calebasse éventrée où nichait une portée de rongeurs l’intéressait autant qu’un carré exact de soleil sur un mur décrépi, ou un frisson de femme disparaissant derrière un tas d’immondices pour assouvir un besoin naturel.
Ce quartier lui procurait la matière de sa création. « La fange des ruelles : une encre pour Jorge» selon son éditrice. Personne n’en avait jamais élaboré la topographie, sans doute parce qu’en tout point des ruelles, il était aisé d’établir à vue de nez sa position et son altitude par rapport à la mer, couchée en contrebas. Le premier recueil de Jorge en fut « à bien des égards la première tentative sérieuse de représentation »