Goliathus-Goliatus
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L'écriture au couteau

Tuesday 28 February 2023

La traduction française (par Gabriel Iaculli)  du titre de ce sublime recueil de nouvelles, bien qu'exacte, ne transcrit pas la magnifique allitération du titre original « El Llano en llamas » qui lui donne une dimension onirique. 

On atteint avec ces 17 courtes nouvelles un tel degré de perfection dans la maîtrise de l'écriture, la puissance du récit, la vérité des personnages, dès les premières lignes et jusqu'à la toute dernière phrase, que je le range sans hésitation dans la catégories des livres et des auteurs qu'il est essentiel d'avoir lus.

Claude Mauriac disait de Borges : « après l'avoir approché, nous sommes plus intelligents. Sans doute même avons-nous plus de coeur. » Je n'ai ni l'érudition, ni le talent de Mauriac, mais je me sens confiant dans l'affirmation, « qu'après avoir approché Juan Rulfo, je me sens plus intelligent et sans doute ai-je aussi plus de coeur ». J'ai d'ailleurs à coeur de découvrir le reste de son oeuvre, tant les nouvelles de ce petit recueil m'ont laissé « nu ».

L'écriture de Juan Rulfo, à la première personne, est dénudée et dénude.

Je vous invite à lire la préface de J.M.G le Clézio ; j'aurais du mal à trouver des mots plus justes que les siens pour évoquer la précision avec laquelle Juan Rulfo raconte la vie rurale dans l'État libre et souverain de Jalisco, comme la violence de la Révolution Mexicaine et de la Guerre des Cristeros au début du XXe. L'écriture de Juan Rulfo comme un couteau qui plonge au coeur des hommes égarés dans des paysages, dont les phrases de Juan dessinent le relief. C'est rude ! C'est beau !

Juan Rulfo (1917- 1986), fut écrivain, scénariste et photographe mexicain. Il est l'un des plus grands écrivains latino-américains du XXe siècle.

L'écriture au couteau

"L'homme avançait en prenant appui sur les cals de ses talons, les ongles de ses pieds raclaient les pierres, il s'égratignait les bras, s'arrêtait chaque fois que l'horizon se dégageait, pour voir où il allait trouver sa fin: "Pas la mienne, la sienne" a-t-il dit. Et il a tourné la tête pour savoir qui avait parlé.

Pas un souffle d'air, rien que l'écho du bruit qu'il faisait en passant entre les branches mortes. Défaillant à force d'avancer à l'aveuglette, mesurant ses pas, retenant même son souffle, il a encore dit: "Je vais où je vais." Et, cette fois, il a su que c'était lui qui parlait."

Extrait de la 4e nouvelle: "L'homme" pages 49 et 50 dans l'édition Folio.

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