Ce matin, 16 juillet 2022, je médite les mots de Charles Pepin (in les #vertus de l'#échec), assis à ma place habituelle vers le fond du café #leChatZen, l'esprit embué du regret (déplaisir d'avoir manqué quelque chose) et du remords (sentiment de culpabilité d'avoir commis une faute) de n'avoir pas réussi à transmettre avant minuit mon texte au Concours 2022 de nouvelles organisé par Lire Magazine littéraire et Librinova.
Immense déception. Colère (que je ne peux diriger que contre moi-même). Tristesse.
Ah, la mélancolie de la désespérance!
Selon le règlement du concours: "les Participants doivent déposer avant le 15 juillet 2022 minuit, heure de Paris, sur le Site leur manuscrit conforme aux spécifications etc."
Hier soir, vendredi 15 juillet, à 23:57 précises (heure de Paris), au terme d'un dernier marathon de 6 heures d'écriture, j'ai décidé de transmettre mon texte en l'état, c'est à dire à peine achevé (doux euphémisme de l’inachèvement) et sans l'indispensable et ultime relecture.
Le téléchargement n'a pas fonctionné. Problème de format.
J'ai donc enregistré ma nouvelle au format PDF et immédiatement réessayé.
Mon #MacProAir indiquait 00:00!
Échec de transmission !
Horreur !
Le chiffre 1 s'est affiché en haut à droite de mon écran après deux 0, un signe de ponctuation constitué de deux points disposés verticalement et un autre 0 solitaire.
J'ai cru que j'allais défaillir.
Les 6 heures précédentes de travail intense sans discontinuité, la journée entière du 14 juillet, avec les avions passant au-dessus de ma tête, les minutes au cœur de mes nuits quand mon subconscient m'a éveillé pour que je couche sur mon carnet de chevet les idées qu'il m'avait suggérées, que ma conscience a jugées parfois trop baroques, les instants volés à mon quotidien professionnel pour travailler sur mon texte, le temps élastique et prolifique de mes 15 jours de vacances au #Brésil, pays de cocagne pour l’imagination où j'ai décidé de situer mon histoire, tous ces moments à lire, feuilleter des livres de papier ou de lumière, faire des recherches afin enrichir mon récit, tout cela s’est évaporé (Comme l’éléphant dans la nouvelle de Haruki Murakami
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô deadline ennemie !
N'ai-je donc tant oeuvré que pour cet infâme gâchis ?
Échouer si près du but. Ô horloges assassines !
Et je suis tombé sur cette citation de Charles Pepin.
Je me suis interrogé : échouer, au final, n’est-ce pas vivre davantage ?
Et je repensé à ces longues heures intenses de travail qui n’ont à cet instant produit qu’un texte inachevé.
Ces heures où j’ai vécu avec intensité la genèse, la construction, la rédaction, la réécriture, le développement de mon histoire.
Peu importe un atterrissage raté, pour peu que l’on ait eu l’envol !
Ces heures où j’ai rêvé mes personnages. « Au début, mes rêves étaient chaotiques », à l’instar de l’homme des Ruines circulaires. Ensuite, mes rêves sont devenus plus concrets que ma réalité.
"Il n’y a pas de différence entre rêver et vivre", nous dit Jorge Luis Borges. Or vers la fin, tandis que s’approchait la limite ultime du temps, l’heure à laquelle il me faudrait achever mon texte et l’offrir aux yeux d’un jury et de lecteurs, j’ai senti que mes personnages étaient déjà en train de me rêver.
Ces heures où j’ai osé jouer avec la langue portugaise, avec terreur, avec audace, avec hésitation. Réminiscence des deux années de cours intensifs suivis dans le prolongement de mon adolescence et qui ne m’ont jamais permis de maitriser cette langue si colorée, parlée dans 9 pays, de l’Angola au Brésil, en passant par le Cap-Vert et par plus de 260 millions de lusophones.
La langue de Fernando Pessoa et de la majorité de ses hétéronymes, celle de Jorge Amado, de José Saramago, de António Lobo Antunes, parmi les auteurs qui m’ont touché au cœur et dont j’ai peuplé ce récit qui ne sera peut-être jamais achevé.
Ces heures encore, estimables, où mon imagination a voyagé au delà des cercles de la conscience. Au cours de mon #voyage au #Brésil et dans mon univers intime, #Goliathus et moi, son avatar, nous avons vu tout ce que #CharlesBaudelaire a magnifié dans son plus beau poème :
« Dites qu’avez-vous vu ?
Nous avons vu des astres Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ; les plus riches cités, les plus beaux paysages, des idoles à {plumes} ; Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ; Des {gens} dont la {peau et les rêves} sont {p}eints. »
Que signifie échouer, même si près du but, lorsque l’on a vu, lu, imaginé, rêvé, écrit et réécrit tant de choses ?
Le titre provisoire de ma nouvelle était «O CAIXÃO ESTA VAZIO !» (Le cercueil est vide !)
Parmi mes personnages que les lecteurs ne rencontreront pas :
Dmytro Z’Botocudos, celui qui « nulle part n’avait été à sa place.», ni dans la vie, ni dans la mort ; fils d’un célèbre entomologiste Ukrainien (hommage discret à #DmytroZajciw) n’aura laissé de son passage éclair au quartier rural de Chuva de aranhas que sept mille de ses cruzeiros et cinq millilitres de son liquide séminal ».
Tia Ciata, mère de Dmytro, surnommée Tarântula velha qui avait jeté son dévolu sur l’étranger collectionneur de coléoptères, « parce qu’aucun homme du village n’avait voulu d’une laideron doublée d’une teigne ».
La Batista, « une mulâtresse borgne, veuve précoce, avec assez de ventre au cœur pour engloutir tout le malheur du monde.
Jorge Amado, employé modèle des pompes funèbres et homonyme du célèbre écrivain, qui « finirait comme l’un de ses personnages de son roman »
Alberto Caeiro, dit le Sage, ex- employé de la #Samarco, viré après la catastrophe écologique du barrage de #BentosRodrigues, le seul à avoir accueilli la proposition d’expédition mortelle de Dmytro comme une aubaine « même s’il avait fallu remuer la boue poison à la recherche d’une #chimère à cornes ».
Les insectes, en particulier les sublimes et fascinants #insetos do @Brasil, dont un specimen mutant de #longicorne, ont eux -aussi pris leur place dans mon histoire, pensée comme une sorte de fable écologique, de genre #réalisme #magique.
Et comme à mon habitude, j’ai disséminé dans mon texte des références artistiques et littéraires, dont la plus récurrente : un tableau célèbre de #PietroDellaVecchia (peintre vénitien du XVIIe) représentant Isabelle de Portugal à la bouche décomposée dans son cercueil ouvert et saint François Borgia illuminé, constatant la beauté de sa décrépitude.
Hier soir, 15 juillet à 23 :57, ma nouvelle comptait encore 20.521 signes.
Pas de #regrets, donc ! Puisque mon texte aurait été écarté, faute de respecter les spécifications (L’article 4 du règlement fixe la limite à 16 mille s.e.c.)
Bravo aux centaines de participants (je me suis arrêté de compter au bout de 300) qui ont su respecter les consignes.
Merci à Valérie Perrin pour avoir proposé un incipit aussi inspirant.
Merci à Lire Magazine littéraire et aux éditions Librinova pour cette initiative qui s’enrichit chaque année.
Merci à Baptiste Liger, qui avait salué mon texte lors de ma toute première participation en 2018.
Je ferai en sorte de ne pas manquer pas la prochaine édition.
J’ai échoué cette année. Finalement, j'ai vécu davantage.
#lireestuneactivitéessentielle
#écrireestunactvital